Covid-19 : une crise sanitaire révélatrice des impasses du système capitaliste

En premier lieu, il est important de faire un bref retour dans le temps et de se remémorer les évènements qui précèdent cette crise du Covid-19. Ce virus arrive et bouscule une succession de mouvements sociaux pour certains inédits.

Fin octobre 2018, la naissance du mouvement des gilets jaunes sur les cendres de la grève des cheminots met en lumière une colère et des revendications qui vont durer plus d’un an malgré la répression et un lynchage médiatique quasi-permanent. Au cœur du discours des gilets jaunes, un combat pour la dignité avec des demandes autour du pouvoir d’achat mais aussi un rejet des institutions et une revendication emblématique : le RIC. Il y a aussi eu les marches pour le climat qui ont accusées un système capitaliste qui se trouve à l’origine de la catastrophe climatique et dans l’incapacité d’y répondre.

Puis arrive une contre-réforme des retraites aux objectifs multiples : casser les régimes spéciaux présentés comme privilégiés, diminuer les retraites et reculer l’âge de départ pour encourager la capitalisation made in America. La ficelle est grosse et le peuple n’est pas dupe. Ce sont les fameux « privilégiés » qui mèneront la lutte en première ligne : RATP, SNCF, secteur de l’énergie, hôpitaux, éducation….

En quelques semaines, sans transition, au cœur de la crise du Covid-19, ces mêmes personnes passeront dans le discours médiatique dominant du statut de privilégiés têtus, que les gaz et les matraques peinaient à décourager, à celui de « héros de la nation »…

 

La France, cinquième puissance économique mondiale, avait le temps de se préparer à l’arrivée du virus.

Début décembre 2019, les premiers cas officiels de Covid-19 en Chine sont recensés. Début mars 2020, l’Italie se confine. Notre gouvernement avait donc tout le temps pour se réapprovisionner en masques, matériel médical (oxygène et machines respiratoires), tests… mais aussi relancer la production d’entreprises françaises comme celle de Luxfer ! Luxfer était la seule entreprise d’Europe à produire de l’oxygène à usage médical ! Notre ministre Bruno Le Maire a été sollicité par les salariés afin de relancer la production : ce sera un refus. Même pour sauver des vies, on ne touche pas à la sacro-sainte propriété privée. Pendant ce temps, Mme Buzyn délaisse son poste au ministère de la santé pour voler à la rescousse de la campagne municipale pour la capitale. Belle démonstration du sens des responsabilités et du devoir. On constate l’incapacité de nos élites à anticiper et à préparer la crise sanitaire annoncée.

Le confinement en France sera décrété le 17 mars. Moins d’une semaine plus tard, la loi sur l’état d’urgence sanitaire contient des régressions sociales importantes. Possibilités d’augmentation du temps de travail (jusqu’à 60 heures), de diminution du temps de repos (9 heures), de congés payés imposés par l’employeur sans délai de prévenance, de travail du dimanche… Le pouvoir tente de nous rassurer : tout ceci ne serait que temporaire. Une fois la crise économique passée, tout rentrera dans l’ordre. Pourtant les textes validés par le gouvernement ne donnent pas de date de fin claire à ces mesures dérogatoires au Code du Travail… Et il y a un précédent : certaines dispositions de l’état d’urgence pour lutter contre le terrorisme ont ensuite été traduites dans le droit commun. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. En attendant, pas touche au capital.

Bruno Le Maire refuse le retour même temporaire de l’ISF, l’interdiction des versements de dividendes aux actionnaires et encore moins une lutte contre l’évasion fiscale estimée entre 60 et 80 milliards d’euros annuels. A cela, il préfère les allègements d’impôts et de cotisations sociales. C’est pourtant précisément grâce à ces prélèvements que l’on finance nos services publics comme l’hôpital et notre système de santé solidaire. Mais ce n’est pas le sujet, nous dit-on. « L’heure est à la lutte contre le virus et au soutien des soignants ». Cherchez l’erreur…

 

Que devient le monde du travail ?

Prenons garde, en tout cas, à ne pas tomber dans la tentation de la division entre ceux qui sont présents à leurs postes de travail et ceux en télétravail à l’abri des risques de contamination.

Il faut bien reconnaître qu’une fois de plus nous ne sommes pas égaux face au virus. Les professions pouvant télétravailler sont généralement les plus qualifiées et donc les mieux rémunérées. A contrario pour les autres, en poste parfois sans protection, le risque est grand. Ils cumulent aussi souvent le mal-logement, une concentration de population plus marquée et ils habitent parfois dans des départements abandonnés par les services publics. Le télétravail serait la liberté et l’autonomie comme si ces valeurs étaient la boussole du système capitaliste qui ne pense qu’en gain de productivité. Le collectif a disparu laissant place au salarié atomisé et donc plus docile et malléable pour sa direction. Tout aussi dangereux, le temps professionnel grignotant le temps libre et la vie privée du salarié et donc du foyer.

Les auto-entrepreneurs, statut promu par la macronie comme le nec plus ultra (« pas de patron, l’autonomie et la liberté comme perspectives ») sont les grands perdants de la mise à l’arrêt de l’économie. Encore une fois, la réalité s’avère éloignée des promesses : baisse drastique des revenus et pas de droit au chômage (même partiel). 

La période a le mérite de mettre en lumière des professions trop souvent méprisées, en manque de considération et mal payées alors qu’elles sont indispensables et remplissent des missions d’utilité publique. En première ligne, le personnel hospitalier et des EHPAD, la grande distribution, les aides à domicile, les agents territoriaux, l’énergie, le transport de personnes et de marchandises, les éboueurs, la propreté, les postiers. On remarquera que les femmes et les précaires sont surreprésentés dans bon nombre de ces métiers. L’égalité salariale femme homme rapporterait 5,5 milliards à la sécu sans parler du coût de la précarité pour l’assurance chômage. Pour tous les autres, c’est le chômage partiel payé 84% du salaire net. Une baisse de salaire alors que le coût de la vie augmente. Les produits de première nécessité connaissent une inflation, c’est le prix du caddie qui augmente. On peut se remémorer l’interview du PDG de Carrefour au JT de France2 du 22 mars, lequel déclarait : la grande distribution remplit “une mission publique d’alimentation”. Quelle indécence pour un homme qui gagne 541 SMIC brut annuel. Le malheur des uns fait le profit des autres. 

Dans cette situation où les règles de confinement se durcissent et les restrictions augmentent, qu’en est-il de la protection des salariés à leur poste de travail ? Le scandale des masques de protection révèle l’ampleur de la catastrophe. Les hôpitaux ne sont pas approvisionnés en matériel de protection et doivent se bricoler des blouses avec des sacs poubelles, rationner les quelques masques à disposition lorsqu’ils ne sont pas périmés… Rappelons-nous des propos de la ministre Pénicaud contre les entreprises du BTP. Celle-ci ne comprenait pas l’arrêt des chantiers et accusait les entreprises de « manquer de civisme » et d’être « défaitistes » ! Ce type de déclarations valide et encourage la poursuite du travail dans tous les secteurs, bien souvent au mépris des règles d’hygiène et du respect des gestes barrières protégeant les salariés et leurs familles.

Les Français ne s’y trompent pas et ressentent cette fracture entre les deux mondes, celui des producteurs et celui des « premiers de cordée ». Ce slogan en fait la démonstration : « nous comptons nos morts, ils comptent leurs euros ».

 

Le jour d’après ?

Le gouvernement avance quelques pistes. La solution de l’outil numérique pour accompagner le déconfinement, inspirée des modèles déjà mise en œuvre en Chine et à Singapour. Une fois encore, la solution retenue nous montre l’incapacité du pouvoir à envisager des solutions avec les citoyens. Depuis le début du confinement est mis en place un arsenal répressif à l’encontre de la population : plusieurs centaines de milliers de contraventions et des passages à tabac de jeunes dans les quartiers populaires. Le citoyen doit être discipliné et ne saurait être considéré comme potentiellement porteur de solutions solidaires ou acteur dans la situation présente. Cette application pour smartphone qui faciliterait le déconfinement fait l’œuvre d’une opération de communication. Ses promoteurs nous assurent la confidentialité et le volontariat. La réalité est tout autre là où elle a été mise en place : traçage des déplacements, mémorisation des personnes rencontrées, attribution d’une note à chaque individu reflétant son niveau de dangerosité et conditionnant donc son accès à certains lieux publics.

Pour la relance économique, le MEDEF se sent inspiré. Il veut faire payer la dette et la relance au peuple. Rien de nouveau à vrai dire, mais cette fois le tour de vis s’annonce plus dur. Les propositions sont simples : suppressions des jours fériés et des congés payés, allongement de la durée de travail… Ça ne vous rappelle rien ? C’est précisément les mesures d’exceptions prises par le gouvernement pendant la période d’état d’urgence sanitaire. Le patron des patrons aimerait bien avoir les mains libres un peu plus longtemps… Tout ceci se trouve justifié par l’énorme effort budgétaire et l’endettement de l’Etat. 100 milliards débloqués. Il convient de prendre du recul afin de mieux évaluer et de mettre en perspective cette somme. Il y a 40 milliardaires en France avec en pôle position notre Bernard Arnault national, champion de l’évasion fiscale, à la tête d’une fortune de plus de 100 milliards (+ 37 milliards en un an) et les 50 milliards de dividendes du CAC 40.

L’évasion fiscale est un fléau pour nos finances, estimée entre 60 et 80 milliards par an sans parler évidemment du CICE (100 millards en 5 ans)… Vous noterez que les mesures envisagées n’ont pas pour but de corriger les erreurs qui ont menées à la crise ; il s’agit uniquement de continuer la casse des conquis sociaux et de nous faire payer la dette pendant que les 1% de nabab continueront à jouir de notre exploitation.

 

Que faire ?

Dans ces moments difficiles, il est important de retenir les leçons et d’en tirer des enseignements.

En premier lieu, les services publics. Il faut réinvestir massivement dans l’hôpital qui a subi une perte de 100 000 lits en vingt ans et augmenter l’attractivité des emplois par des augmentations de salaire. Notre solidarité avec les soignants doit être sans faille au regard des sacrifices auxquels ils ont consenti lors de cette période.

Evidemment, il nous faut un pôle public du médicament en France doté d’une production locale et d’un centre de recherche pour une totale indépendance et lutter contre la marchandisation de la santé.

D’une manière générale, il faut relocaliser la production en France qu’elle soit industrielle et alimentaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de dépendre d’autre pays dans des secteurs stratégiques comme le transport, l’énergie et l’alimentaire… Cette relocalisation est le moment de repenser nos modes de production. Cette crise sanitaire aura paradoxalement offert une pause à notre planète. Produire deux fois plus pour combler un retard ou pour payer les dettes serait un non-sens écologique.

Il est temps de s’interroger sur notre façon de produire et sur les buts de notre production. Cette pause est aussi la démonstration que seul le travail est producteur de richesses. Lorsque l’heure sera à la reprise du travail, les salariés auront à cœur de sauver leurs entreprises et de reprendre le travail. La plupart d’entre nous aiment leur métier et s’y épanouissent malgré des conditions de travail qui se dégradant aux fils des lois régressives.

Puisque nous allons relancer la production de biens et de richesses, que nous allons remettre sur pied nos entreprises, remettre l’économie en marche, il est donc légitime que nous, les producteurs, ayons de nouveaux droits. Les salariés ne peuvent se contenter de produire sans avoir la moindre prise sur la finalité de la richesse créée. Nous devons pouvoir décider des investissements, des choix stratégiques, de l’embauche, des rémunérations… et tous les salariés sans discrimination doivent pouvoir y participer. Au regard de notre contribution économique, cela doit être notre exigence.

Tout ceci doit s’accompagner d’un renouvellement de nos institutions pour une démocratie réinventée. Une réelle séparation des pouvoirs, une participation et une intervention citoyenne plus importante, en finir avec la 5ème république et son présidentialisme.

« Plus rien ne sera comme avant », c’est à nous d’en décider en reprenant les luttes engagées avec une aspiration à un changement plus profond de société avec comme horizon le bien-être et la préservation de l’humain et de la planète !

 

[Texte de notre camarade Aurélien C.]

 

 

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