Covid-19 : Un plan de déconfinement entièrement tourné vers la satisfaction des intérêts privés

Alors que la date d’un début de déconfinement au 11 mai avait été annoncée le 13 avril par un Emmanuel Macron tout fier de lui (comme souvent), la stratégie de déconfinement n’a été présentée dans ses détails que la semaine passée par le gouvernement… soit à quelques jours à peine de l’échéance.

 

  • Une « stratégie » de déconfinement taillée sur mesure pour le MEDEF

Bourrée d’injonctions contradictoires, renvoyant les responsabilités de sa bonne application à des collectivités locales et à des entreprises publiques qui n’ont ni les moyens ni les outils pour la mettre en œuvre dans l’urgence, cette stratégie de déconfinement n’a convaincu personne (hormis les Playmobils macronistes) et a été rejetée avec force par les parlementaires communistes, tout comme la prorogation d’un état d’urgence sanitaire qui donne une carte blanche au gouvernement pour multiplier les dispositifs d’exception. Le gouvernement demande une nouvelle fois les pleins pouvoirs mais qu’en a-t-il fait jusqu’ici ? Comme le remarquait le député communiste Stéphane Peu, « après 2 mois d’état d’urgence, nous ne sommes toujours pas dans la situation qui aurait dû être celle du pays dès le début : pouvoir tester massivement pour isoler les personnes contaminées, tout en distribuant les masques ».

Dans son plan de déconfinement, le gouvernement rompt une nouvelle fois avec le principe d’égalité et remet en cause le caractère obligatoire de l’école en proposant que la réouverture des écoles et le retour des enfants en classe se fasse sur la base du volontariat. Faute de mettre à disposition du personnel scolaire et des parents les moyens et dispositifs de protection nécessaires à une reprise de l’école en toute sécurité, ce prétendu volontariat n’en sera pas un. En effet, les ménages confrontés à des baisses de salaires importantes (autoentrepreneurs, travailleurs uberisés, artisans, salariés en chômage partiel, intérimaires entre 2 missions…) n’auront pas d’autre choix que de renvoyer leurs enfants à l’école, quitte à craindre pour leur santé.

C’est d’ailleurs l’objectif réel du déconfinement précipité mis en place par le gouvernement contre l’avis du Conseil Scientifique : renvoyer les ouvriers et les employés au travail dès que possible[1]. La stratégie du gouvernement de mettre les crèches sur le même plan que les écoles en termes de priorité de réouverture (alors que les lycéens pourront eux rester à la maison) confirme que son but est bel et bien de renvoyer les « CSP- » au turbin, « quoi qu’il en coûte », en les libérant de la garde de leurs enfants. Quitte à risquer une seconde vague épidémique…   Pour parfaire son plan de retour forcé au travail des plus précaires, le gouvernement a d’ailleurs annoncé la modification des mesures de chômage partiel à compter du 1er juin. Il prépare ainsi une baisse des indemnités pour les 11,5 millions de salariés qui sont actuellement en chômage partiel en France… alors même que les indicateurs économiques laissent penser qu’il pourrait y avoir a minima 600 000 chômeurs de plus à l’issue de cette crise sanitaire ! Craignant pour leur emploi et leur salaire plus que pour leur santé, les catégories populaires n’auront pas d’autre choix que de reprendre le chemin du travail.

Du fait du confinement généralisé mis en place par le gouvernement pour compenser son inaction face au virus sur les mois de janvier et février, de nombreux secteurs économiques sont en effet touchés de plein fouet par une chute d’activité sans précédent. Services aux personnes, production manufacturière, tourisme, culture, hôtels-cafés-restaurants, commerces de proximité, évènementiel : les TPE, les PME et les autoentrepreneurs de ces secteurs sont d’ores et déjà confrontés à des difficultés très importantes qui vont s’aggraver dans les semaines qui viennent, faute d’un réel soutien des banques et de l’Etat. Seuls les grands groupes bénéficient d’une trésorerie et d’un soutien du secteur bancaire leur permettant de passer la crise sans trop d’encombre. Au sortir de la crise, s’annoncent ainsi de nouvelles concentrations capitalistiques et un renforcement des situations monopolistiques de grands groupes qui pourront probablement acquérir à bas prix des PME-TME en faillite… Une nouvelle fois, les multinationales et les grandes entreprises pourraient voir leurs positions renforcées par cette crise.

Surtout que le gouvernement se refuse encore à envisager des nationalisations ou même des prises de participations accrues dans les entreprises qu’il vient soutenir… à l’image des 7 milliards d’euros injectés récemment pour soutenir Air France, sans réelle contrepartie…

 

  • Irresponsabilité, laisser-faire et court-termisme

Soucieux de faire plaisir au MEDEF et aux multinationales, le gouvernement n’a pas les mêmes égards avec les services publics… Alors que les hôpitaux attendent toujours de voir la couleur du plan d’investissement massif qu’avait promis le président au début du confinement, la « stratégie » de déconfinement des transports publics tourne à la farce. Imposant le port du masque pour tous les voyageurs (sans en distribuer en nombre suffisant et sans le mettre à disposition gratuitement[2]… mais en promettant une amende de 135 euros en cas d’infraction) tout en obligeant les opérateurs de transport à faire respecter les mesures de distanciation physique (sans leur en donner les moyens ou sans mobiliser massivement les forces de police), Philippe et Macron doivent faire face à une fronde inédite des patrons de la SNCF et de la RATP qui avouent qu’ils seront dans l’incapacité de garantir le respect des gestes barrière sur leur réseau…

La situation pourrait prêter à rire, s’il ne s’agissait pas d’une mise en danger délibérée des usagers des transports en commun et des salariés sur l’autel de la « priorité donnée à la reprise économique »

Le cas des masques de protection est encore plus emblématique de l’incurie de la politique gouvernementale toute entière tournée vers la satisfaction des intérêts des grandes entreprises privées. Les mensonges répétés et éhontés du gouvernement sur la doctrine à suivre en termes de port de masques pour faire face à l’épidémie sont désormais bien connus[3]. Ce qui l’est moins, c’est que les pharmacies continuent à faire face à une pénurie de masques chirurgicaux (y compris pour certains malades chroniques), tout comme les collectivités locales (qui peinent à recevoir les masques commandés depuis des semaines pour être distribuées gratuitement à la population[4]), alors que les grandes surfaces ont pu commencer à vendre à prix d’or des millions de masques chirurgicaux surgis du jour au lendemain dans leurs rayons. Certaines enseignes comme Intermarché sont allées jusqu’à réserver les masques aux titulaires de leur carte de fidélité (une nouvelle forme de chantage à l’adhésion…) quand d’autres, à l’instar de Super U, n’ont pas hésité à vendre des masques tissus inefficaces contre le virus. Comme le disait notre sénateur Fabien Gay, « si des stocks de masques existent, ils doivent être réquisitionnés ». Alors qu’avec la spéculation en cours sur le prix des masques chirurgicaux, le budget mensuel d’achat de masques pourrait s’élever à 200 euros par mois pour une famille de 4 personnes, une chose est sûre : il faut des masques gratuits pour tous et pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale ! Exigeons-le haut et fort !

Le scandale de la gestion irresponsable des stocks de masques et de leur prix de vente par le gouvernement confirme l’incapacité du laisser-faire néolibéral à doter chaque citoyen des protections dont il a besoin et à mettre durablement la santé avant les profits… Plus largement, les chantres du néolibéralisme restent d’ailleurs incapables de se remettre en question et de revoir leurs modes de pensée. Alors que la crise du Covid-19 a confirmé l’urgence de repenser les « chaînes de valeur » mondialisées et de relocaliser certaines productions stratégiques pour réellement répondre aux besoins de notre population, la Commission Européenne démontre qu’elle n’a pas changé de logiciel en annonçant tout sourire ces dernières semaines la signature de 2 nouveaux traités de libre-échange avec le Vietnam et avec le Mexique… Et dire que certains croient encore aux mirages du prétendu « Pacte vert européen » porté par la Commission…

 

  • De quoi la crise du Covid-19 est-elle le nom ?

Alors comment sortir de cette crise et ne pas reproduire les erreurs qui nous ont conduit dans le mur ? De nombreuses propositions du Parti Communiste Français sont sur la table. Mais l’enjeu du moment présent nous paraît dans un premier temps de savoir qui sera considéré le plus largement comme le responsable de cette crise. Comme le disait récemment notre camarade campinois Pascal Joly, les solutions envisagées dépendront en effet pour beaucoup de la réponse à cette simple question.

Le coupable est-il uniquement ce virus du Covid-19 ? Le coupable est-il le pangolin ou les chauve-souris victimes de la déforestation chinoise ? Le coupable est-il uniquement le gouvernement et sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire ?  Ou bien les causes de cette crise et de ce choc systémique sont-elles plus profondes ?

En fonction des réponses apportées à ces interrogations, des propositions de natures très différentes pourraient se dégager et faire consensus pour le « jour d’après » … A ce titre, une part importante du patronat voudrait bien « tout changer pour ne rien changer ». La tentative de « greenwashing » (écoblanchiment) entamée par plusieurs patrons du CAC40 français via la tribune du Monde « Mettons l’environnement au cœur de la reprise économique » en est la première salve : ces dirigeants d’entreprise plaident pour mobiliser les moyens financiers européens afin d’accélérer « une relance verte et inclusive. »

Pourtant, se contenter d’augmenter la part de recyclage et de production locale dans notre économie[5] sans changer le cœur de la logique du système actuel, c’est se condamner à de nouvelles crises. L’exploitation sans fin de nouvelles terres, la déforestation et la concentration déraisonnable des élevages porcins qui a favorisé la propagation de l’épidémie sont loin d’être circonscrites aux frontières asiatiques et ont toutes la même origine : la recherche inextinguible du profit et de la valorisation du capital pour les actionnaires.

Comme le relevait l’économiste Jean-Marie Harribey dans l’Humanité, « le virus a mis le feu à la poudre mais la poudre avait été répandue depuis un demi-siècle par un capitalisme de plus en plus dément, c’est-à-dire conforme à son « idéal type ». Nous sommes davantage dans la période du capitalocène que dans celle de l’anthropocène qui dédouane la logique du système et qui place abusivement tous les humains à égalité de responsabilité dans la dégradation écologique. »

Il n’y a pas de réponse capitaliste possible à cette crise… parce qu’elle a été causée par la logique capitaliste. Le néolibéralisme et ses serviteurs zélés sont tout bonnement incapables de mettre en place la vision à long terme et la planification industrielle et écologique qui s’imposent.

De grands défis sont devant nous. Nous devons repenser la démocratie citoyenne et l’articulation entre l’Etat et les collectivités locales. Nous devons repenser l’organisation de la production et les finalités de l’économie. Nous devons instituer des biens communs inaliénables et construire autour d’eux un plan ambitieux de développement de services publics démocratisés. Nous devons repenser le travail et renforcer le pouvoir des travailleurs sur les décisions des entreprises. Nous devons rétablir et respecter les équilibres environnementaux. Nous devons, en somme reconstruire, une réelle justice fiscale, sociale et environnementale.

Nous devons, en un mot, reprendre le pouvoir sur notre destin commun. A nous de nous y atteler sans tarder et sans compter sur ceux qui nous ont amené dans l’impasse…

 

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[1] Les cadres et les fonctions support pourront rester en télétravail ce qui permettra au patronat de poursuivre l’expérimentation grandeur réelle d’un télétravail généralisé et prolongé qui pourrait bien arranger les affaires des dirigeants d’entreprise en termes de stratégie immobilière… Après tout, si les « open spaces » et autres « flex offices » ne sont plus acceptables dans la situation post-crise, le patronat pourrait voir un avantage certain à limiter encore plus les espaces de travail mis à disposition des salariés. Voilà peut-être pour lui une occasion inédite de diminuer encore plus les loyers dépensés en bureaux en supprimant purement et définitivement le concept même de bureau et de salle de réunion. Quelques espaces de co-working pourraient peut-être bien faire l’affaire !

[2] Pendant ce temps, à Madrid, les forces de polices et des volontaires distribuent gratuitement des masques à l’entrée des stations de métro et des gares depuis la mi-avril…

[3] Un jour, il est inutile de porter un masque, le lendemain c’est indispensable… non pas en fonction des recommandations des scientifiques, mais plutôt en fonction de l’état des stocks disponibles. Comme l’a dit Stéphane Peu au gouvernement, « votre doctrine est simple : ce qui fait défaut n’est pas indispensable. »

[4] Le département du Val-de-Marne ne pourra commencer ses distributions qu’à compter de lundi…

[5] Ce qui serait déjà un bon début, toutes choses égales par ailleurs…

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